Des mesures de prévention précoce à destination de tous et la prise en charge confidentielle des personnes vulnérables par les professionnels de santé pour éviter la désinsertion professionnelle. Voici les deux jambes sur lesquelles devrait marcher une politique de prévention des addictions en entreprise. Enedis tente de s’y atteler.
La Mildeca (mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives) a lancé le dispositif Esper (pour "entreprises et services publics s’engagent résolument") en octobre 2021. Plusieurs structures ont signé la charte adossée. Comment passer des résolutions théoriques qu’elle comprend à des mesures de prévention concrètes dans ce domaine très sensible ? Éléments de réponse avec Enedis, signataire du texte.
Premier engagement de la charte : « définir un projet global de prévention des conduites addictives dans le cadre de la promotion de la santé au travail ». Chez Enedis, cela passe notamment par l’étendue des sujets traités. « Nous sommes impliqués de longue date dans la prévention des addictions, notamment pour l’alcool et la drogue. Plus récemment, notre politique s’est étendue, au-delà des substances, aux addictions comportementales comme les jeux vidéos et les réseaux sociaux par exemple », explique Olivier Terral, directeur santé-sécurité.
C'est aussi un « projet global » comme le demande la charte, parce que la politique se fonde sur les préventions primaire, secondaire et tertiaire. La première passe surtout par des campagnes de sensibilisation : régulièrement sur le cannabis, ou sur l’alcool à l’occasion du Dry january par exemple. L’on sait que l’organisation du travail peut elle-même être cause de conduites addictives ; Olivier Terral assure qu’Enedis tente de les prévenir aussi.
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Deuxième pilier de la charte : « instaurer le dialogue et créer un climat de confiance ». Pas évident quand certains des comportements sont punis par le règlement intérieur. « L’interdiction de consommer des substances psychoactives et les mesures disciplinaires ne sont pas les seules mesures de prévention efficaces à moyen et long terme », insiste la Mildeca. Pire, « elles peuvent encourager les consommations cachées ». Comment éviter cet effet pervers ? « Il faut que les objectifs de la politique de l’entreprise soient très clairs : bien expliquer que le but premier n’est pas la sanction, mais bien le maintien en emploi », explique Patricia Coursault, chargée de mission prévention à la Mildeca.
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Les signataires de la charte s’engagent aussi à « mettre en œuvre une démarche de prévention non-stigmatisante, respectant la dignité des personnes ». Traduction de Patricia Coursault : des mesures à destination de tous. En guise d’exemple, Olivier Terral indique que les alcootests volontaires sont proposés à tous et pas uniquement à certaines personnes. Cela n'empêche pas les managers, « en cas de suspicion » sur un salarié en particulier, de prendre contact avec la médecine du travail pour demander une prise en charge. « Les campagnes et repérages précoces, où on déconstruit la représentation que le salarié a de sa pratique, favorise une prise de conscience du salarié qui va se motiver pour réguler sa consommation » , remarque aussi Patricia Coursault.
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Dernier pilier de la charte : « accompagner les travailleurs vulnérables », c’est-à-dire ceux identifiés comme ayant un problème d’addiction, par exemple suite à une alerte et à un diagnostic du service de santé au travail, « et prévenir la désinsertion professionnelle ». « Là, on est obligé de passer au stade individuel, commente Patricia Coursault, mais tout en restant confidentiel. » « La perte du lien social aggrave la situation. C’est la double peine. Il faut donc un dispositif qui permette absolument de garder un lien avec le travail », conseille-t-elle, en donnant l’exemple du temps partiel.
Quelle juste place de l’employeur sur ces sujets ? « Il a pour obligation de se soucier du bien-être global des collaborateurs », répond Olivier Terral. Il reconnaît que l’entreprise n’est « pas toujours bien placée pour le faire, avec des discours moralisateurs qui ne sont pas forcément constructifs ». En revanche, s’appuyer sur les services de santé au travail peut être un moyen de dépasser ce risque d’intrusion, croit-il. Chez Enedis, il y a des services de santé au travail autonomes, avec des assistantes sociales. Ils ont ainsi « une très bonne connaissance de nos salariés », vante Olivier Terral.
« Le rôle de l’employeur est de travailler sur les facteurs professionnels de la consommation, parce qu’au-delà des facteurs personnels, les conduites addictives se construisent dans l’environnement professionnel, répond plus sobrement Patricia Coursault. Le travail est un lieu de régulation des consommations : il peut être protecteur ou au contraire être un environnement où elles sont plus accessibles ou banalisées. »
La prévention des addictions faisait partie du PST (plan santé travail) 3 et est toujours présente dans le PST4. Mais de l’avis de tous, c’est un sujet sur lequel les acteurs ont du mal à avancer. Patricia Coursault l’explique d’abord par le manque de connaissances (de certains médecins du travail et SST, dirigeants, partenaires sociaux…). « Il y a une crainte d’être débordés si on évoque le sujet. On préfère le mettre sous le tapis », observe-t-elle également. Conséquence : « Comme on préfère rester dans le déni, on laisse des situations s’aggraver. Le sujet est souvent étudié individuellement en écartant la personne problématique en la déclarant inapte, au lieu d’adopter une approche collective ».
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« La question des addictions n’est pas au cœur des préoccupations de tous. Il y a des freins et des réticences à traiter cette question dans le corps social », reconnaît lui-même Olivier Terral. Cette démarche « nous engage, valorise ce que l’on a fait et nous oblige à faire plus », raconte également le directeur santé-sécurité d’Enedis. Autre avantage : faire partie d’un réseau et bénéficier d’une animation « mise en place prochainement », nous précise Patricia Coursault, qui permettra un échange de bonnes pratiques.
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Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement.
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